La responsabilité sans faute ou aléa thérapeutique ou encore aléa médical Aléa est un mot venu du latin signifiant, à lorigine, le coup de dès, cest-à-dire la chance au jeu, puis la chance tout court. Aujourdhui par glissement le sens du mot est devenu événement imprévisible. Alea jacta est la phrase prononcée par Jules César en 50 avant JC en franchissant le Rubicon ; il était alors général romain, mais la loi interdisait de franchir cette frontière les armes à la main. Ce qui lui a valu 4 ans de guerre civile qui lopposa à Pompée et lui ouvrit les portes du pouvoir. Depuis quelques années on assiste à un élargissement du concept de faute et à une jurisprudence qui évolue vers la notion de responsabilité médicale sans faute. Pourquoi donc cette évolution jurisprudentielle ? Tout dabord la sécurité du malade est exigée, ce qui est normal, certes, et les soins considérés comme une pratique de consommation. La médecine ne semble plus être reconnue comme un art. Lintroduction par la jurisprudence en France, et certainement dans dautres pays, de la notion dobligation de sécurité, de celle de perte de chance et plus récemment, par le ministère de la Santé, du risque 0, bouleverse totalement les fondements de la responsabilité médicale et appelle quelques remarques. Depuis, un arrêt célèbre (Arrêt Mercier) rendu en France le 20 mai 1936 la responsabilité médicale était reconnue dordre contractuel. Le médecin était tenu envers son malade à une obligation de moyens et non une obligation de résultats. La médecine nest pas une science exacte ; elle se pratique comme un art en tenant compte évidemment des progrès scientifiques et techniques considérables qui entraînent une évolution des connaissances médicales et la phrase que lon retrouve dans toutes nos missions dexpertise : les soins donnés ont-ils été conformes aux données actuelles de la science ? correspond bien à cette évolution. Or, le caractère de plus en plus sophistiqué des techniques actuelles entraîne nécessairement des risques, imposant aux médecins une vigilance accrue quant à lindication et à la réalisation de leurs actes et de leurs résultats. Cependant, on ne peut exiger limpossible car aucun acte médical, aussi banal soit-il, nest dénué de risque. Le risque 0 nexiste pas en médecine. Par ailleurs, larticle 1382 de notre Code Civil est clair et précis : tout fait quelconque de lhomme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer. Il faut donc quil y ait faute et de plus, relation directe entre la faute et le préjudice. Mais sil ny a justement pas faute, et pas dauteur de faute, et donc un préjudice sans relation de causalité, en quoi la responsabilité du médecin peut-elle être mise en cause ? Indemniser alors un dommage devient davantage un problème de Santé Publique et il incombe aux Pouvoirs Publics den gérer la réparation. Devant cette volonté sociale et politique dindemniser les victimes daccidents médicaux comme celles daccidents de la circulation (cf. Loi Badinter de 1985), les juges ont tendance à étendre la responsabilité des médecins sous prétexte quils sont encore bien assurés ; ce qui est facile devant une juridiction civile en qualifiant les faits au gré des besoins dune nécessaire réparation. Cette même opportunité nexistant pas au Pénal dans notre pays où la qualification doit correspondre précisément au fait délictuel incriminé, en raison du principe de linterprétation stricte de la loi pénale ; cest ce qui a permis lélargissement des notions de responsabilité médicale au civil. (Il est, dailleurs, rare quun avocat averti assigne un médecin devant une juridiction pénale). La société a changé, les médias ne font léconomie de rien et surtout pas du sensationnel suscité par les affaires médicales. Le public réclame le droit à réparation de tout dommage quel quil soit, résultant dune faute ou non. Les médecins agacent avec leur pouvoir sur la santé. Ils ne sont plus les notables respectés et sacro-saints dune certaine époque. Quils aient tort ou raison, ils doivent payer et réparer tout dommage même sils ny sont pour rien. La réparation provient de lassureur, certes, mais aujourdhui les assurances professionnelles du médecin et particulièrement du gynécologue-obstétricien ont atteint de tels niveaux quil ne sera plus possible pour certains dy accéder et de continuer à exercer lobstétrique, et peut-être demain lanesthésie ou la chirurgie. Si les médecins ont pour un temps amélioré la qualité de leur pratique, lévolution jurisprudentielle tendra au contraire à un effet inverse. Les médecins ne prendront plus de risques thérapeutiques et se contenteront du minimum nécessaire doù une régression évidente du niveau de qualité de la médecine future. Les projets de loi sur laléa thérapeutique ont été nombreux en France et aujourdhui encore ils sont dactualité. Aucun na abouti pour des raisons exclusivement financières et peut-être aussi politiques. La vraie question est : qui va payer ? Or personne ne veut payer et alimenter un fonds de garantie permettant lindemnisation des accidents médicaux dont la cause est non fautive ; ni le gouvernement, ni les assureurs, ni les malades. Laffaire du sang contaminé, qui a fait grand bruit dans notre pays, na pas eu décho dans ce domaine malgré les multiples dispositions de Santé Publique dont la sécurité en est le prétexte. Responsable et non coupable, coupable et non condamnable nont et ne doivent plus avoir daudience aujourdhui. Le médecin est responsable de ses actes, conscient de ses compétences et doit sy tenir. Il doit aussi se soumettre éventuellement à une auto-réévaluation, voire même une accréditation par une sorte de comité de sages ce qui peut-être lexonérera de cette présomption de culpabilité qui pèse a priori sur lui et sur ses actes. Il est cependant nécessaire et urgent denvisager la création dun fonds de garantie alimenté :
Il suffit peut-être que tout le monde y mette du sien et exonère le praticien de sa responsabilité lorsquil ny a pas faute.
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